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Les avocats et l'argent

Raphaëlle Tulane

"Avocat pas sérieux, négligent, scandaleux : comment se faire rembourser ?" - Forum Juridique Net-Iris

Si les avocats ne peuvent se prévaloir d’une bonne presse sur les forums et réseaux sociaux, c’est d’abord en raison de leur coût. Les honoraires des avocats sont souvent perçus comme excessifs au regard de la charge qu’ils représentent pour les justiciables en comparaison du temps qu'ils consacrent à leurs dossiers et des résultats obtenus.

L'image de l’avocat vivant dans l’opulence a encore de belles années devant elles : selon un classement réalisé par MSN en juillet 2018, le métier d’avocat est le 7ème métier le mieux rémunéré en France, avec une moyenne de 111 565 euros par an.

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Richissimes, les avocats. Vraiment ? Nous autres élèves-avocats avons des retours fort discordants de la profession. L’occasion de faire le point sur les niveaux de rémunération des avocats en France.

Une profession aisée, des réalités hétérogènes

Selon le rapport annuel établi par la Caisse Nationale des Barreaux Français en 2017, la profession comptait en 2016 59 978 représentants touchant un salaire moyen confortable de 77 004 euros bruts par an. Pourtant, si l’on s’intéresse au revenu médian, celui-ci chute à 42 931 euros par an. Ces chiffres recouvrent donc une grande variété de situations.

  • Des disparités liées à l’âge - Un avocat atteint statistiquement une rémunération maximale entre 45 et 55 ans. La situation des jeunes avocats est plus difficile : leur revenu médian s’établit à 34 522 euros bruts par an. Après déduction des charges et impôts, les jeunes avocats collaborateurs ne touchent souvent pas plus de 1 500 ou 1 700 euros nets par mois. Pourtant, ils travaillent beaucoup : en 2010, 61% des jeunes avocats déclarent travailler entre 9 et 11 heures par jour, et 18% plus de 11 heures par jour. Difficile dans ces conditions de libérer du temps pour développer sa propre clientèle. 
  • Des disparités géographiques - Clientèle plus rémunératrice, concentration des gros cabinets, etc. : les conditions d’exercice sont à maints égards très différentes pour les avocats parisiens et les avocats de province. Cela se traduit dans les chiffres de leur rémunération : en 2016, la rémunération médiane d’un avocat parisien s’établit à 53 852 euros bruts, contre 39 580 euros hors de Paris. 
  • Des disparités liées au sexe : une fois n’est pas coutume, les avocates touchent bien moins que leur confrères masculins. Au plus fort de leur carrière (autour de 45 ans), la rémunération moyenne des avocats s’élève à 160 000 euros, tandis que celle des avocates plafonne en moyenne à 80 000 euros. Oui, vous avez bien lu !

Avocat cher, avocat riche ? Un avocat ne gagne pas ce qu'il coûte

Si les honoraires semblent souvent excessifs, ils recouvrent une multitude de frais dont la rémunération nette des avocats ne constitue qu'une part minoritaire. Les charges du cabinet (personnel, locaux, équipements), mais surtout les taxes et contributions sociales (Urssaf, taxes professionnelles, TVA au taux plein de 20%) représentent une charge extrêmement lourde pour l’avocat. Selon les cas, les taxes peuvent atteindre 65% du revenu brut.

Les avocats, à la différence d’autres professions libérales (médecins notamment), tirent exclusivement leurs revenus de leur clientèle. C’est la raison pour laquelle il paraissent bien plus chers ! Pourtant, en comparaison d’autres professions libérales ou d’autres professions juridiques, les avocats sont loins d’être les mieux lotis.

Une débâcle programmée

Ainsi, les niveaux de revenus des avocats en France aujourd’hui sont bien loin de refléter l’image renvoyée par les caricatures d’Honoré Daumier. A quoi est due cette paupérisation de la profession d’avocat ? Principalement à l’augmentation du nombre de ses représentants : entre 2004 et 2014, le nombre d’avocats en France a augmenté de 40%. Dans le même temps, le volume d’affaires n’a pas évolué dans les mêmes proportions. On voit aussi éclore de nouveaux services concurrents de ceux traditionnellement pris en charge par les avocats, telle la rédaction automatisée de contrats en ligne. Les secteurs les plus touchés par cette mise en concurrence sont le droit des affaires, le droit de la propriété intellectuelle et le droit pénal.

Cela n’est pas sans conséquence sur le moral des avocats. Pour Le Monde, près de 20% des hommes et 40% des femmes quitteraient le barreau au cours des dix premières années de leur carrières, essentiellement pour travailler comme juriste d’entreprise. De quoi remonter votre estime pour ceux qui se sont engagés dans cette belle profession en affrontant des vents contraires !

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