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Les avocats parisiens, et les avocats de province (deuxième partie)

Être avocat en province n'a pas la même signification qu'à Paris. Nous avons mené l'enquête !

Interview de Maître Des Rivières, avocate au barreau de Laon (Aisne) :

  • Quelle image avez-vous des avocats qui exercent à Paris ?

La même que celle que j’ai de tous les avocats en général. Nous pratiquons la même profession. Nous avons souvent les mêmes réflexes, le même idéal. En revanche ils ont parfois des usages différents des nôtres. Un exemple me vient à l’esprit, qui parait anecdotique mais qui est quand même significatif : le fait de se saluer entre confrères dans la salle l’audience ou devant la salle lorsqu’on attend pour une audience. Je l’ai fait une fois quand j’étais venue plaider à Paris et j’ai vite compris que c’était un usage qui n’était pas en vigueur au barreau de Paris. Ils ont l’habitude de l’anonymat, à cause du nombre.

  • A quoi ressemble selon-vous une journée d’avocat parisien ?

La même que la mienne, en fonction de l’agenda … cabinet, dossier ou client et/ou tribunal s’il y a des audiences. Ils terminent peut-être plus tard leur journée en moyenne. Aussi, je pense que l’avocat parisien, quand il doit se rendre à l’audience, que cela soit a paris même ou en banlieue doit passer beaucoup plus de temps dans les transport en commun que moi-même qui me rend au palais en voiture en à peine 10 minutes, ce qui est un gain de temps considérable. Mais si l’avocat n’exerce qu’à paris ou en île de France, il doit passer moins de temps sur la route pour les grandes distances que moi-même qui me rend régulièrement dans d’autres ville de province pour plaider, en voiture évidemment.

  • Auriez-vous aimé exercer à Paris ? Pourquoi ?

J’aurais aimé vivre à Paris mais pour des raisons culturelles. Concernant l’exercice de la profession, je pense que je n’aurais jamais pu créer le cabinet que j’ai créé à Paris. Car ici, c’est un microcosme, j’exerce dans un barreau ou il y a une trentaine d’avocats ; tout le monde se connait, j’ai donc eu la possibilité de me faire une notoriété qui aurait été impossible ou plus difficile.

  • Au fond, pensez-vous que vous pratiquez le même métier ?

Oui, la seule différence est que beaucoup plus d’avocats parisiens sont spécialisés, alors que nous sommes des avocats généralistes, ce qui est moins fréquent à paris. L’autre différence importante est que les avocats de province plaident en général devant des juridictions qu’ils connaissent et des juges qu’ils connaissent, ce qui est d’un extrême confort. De même, ils plaident contre des confrères qu’ils connaissent et dont ils connaissent les pratiques …

  • Pensez-vous que les avocats parisiens ont une manière plus moderne d’exercer la profession ?

Je ne vois absolument pas à quel titre.

  • Pensez-vous qu’ils gagnent bien mieux leur vie qu’en province ?

Non. Je pense qu’il y a des avocats parisiens qui gagnent beaucoup plus d’argent que nous, notamment dans les gros cabinets d’affaires, et qu’il y en a beaucoup qui gagnent bien moins leur vie que nous, surtout chez les plus jeunes.

  • Pensez-vous qu’ils travaillent plus ou moins que les avocats exerçant en province ?

Les horaires sont certainement différents. Moins, certainement pas. Ici nous avons une meilleure qualité de vie, c’est évident. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains confrères décident de venir s’installer en province, ou la conciliation avec une vie de famille est plus facile, notamment du fait des horaires …

  • Pensez-vous qu’ils ont une bonne/moins bonne connaissance du droit que les avocats exerçant en province ?

Meilleure connaissance, certainement pas. Parfois je vois les petits collaborateurs parisiens arriver en province, ils me font mal au cœur, ils ont l’air perdu, comme chaque avocat qui va plaider devant une juridiction dont il n’a pas l’habitude. En revanche, les avocats parisiens qui sont spécialisés dans leur domaine et qui ne plaident que devant un seul type de juridiction, cela se voit parfois sur le plan de la technicité et de la connaissance de la discipline qu’ils exercent.

  • D’une façon générale, pensez-vous qu’il est plus facile de « faire carrière » en province ou à Paris ?

Je pense qu’il est plus facile de faire carrière en province, mais je ne pas en avoir la certitude. Encore une fois, la création d’un cabinet comme le miens rencontre moins d’obstacle en province, dans un petit barreau de surcroit, qu’à Paris.

  • Quels seraient, selon vous, les avantages d’exercer à Paris ?

Vivre à Paris ; voilà l’avantage. Sur le plan de la profession, je n’en vois strictement aucun. Être tous les jours dans les transports en commun ou en voiture dans Paris pour aller plaider, travailler dans une grosse structure ou les perspectives d’association sont toutes relatives, non merci. En revanche, pour revenir sur ce que je disais tout à l’heure sur l’avantage de connaître les juges et les confrères, puisqu’à Paris on ne plaide quasiment jamais devant les mêmes juridictions et les mêmes juges, l’avantage est peut-être que l’on peut prendre plus de liberté, risquer des inimitiés qui ne porteront pas à conséquence dans l’avenir. Le nombre peut aussi avoir ses avantages …

  • Pensez-vous que les avocats parisiens ont une légère tendance à mépriser les avocats de province ? Si oui est-ce justifié selon vous ?

Peut-être, mais je pense que c’est un mythe. Je n’ai jamais senti de mépris de la part de mes confrères parisiens. Il y a un respect mutuel entre personnes qui exercent la même profession, cela s’appelle la confraternité tout simplement. En tout cas si cela était, ce n’est absolument pas justifié, il y a des bons et des mauvais partout, c’est une évidence.

  • Envisagez-vous de partir exercer à Paris ? pourquoi ?

Jamais de la vie, sauf s’il y avait un impératif particulier. Un autre avantage d’exercer dans un petit barreau, c’est la création de relations professionnelles qui évoluent vers des relations amicales. Beaucoup de confrères sont devenus des amis. Je ne dis pas bien sur que c’est impossible à Paris. Mais je suis installée, j’ai 25 ans de barre et je ne vois pas l’intérêt de partir pour tout recommencer à zéro.